La drôle histoire de numérotation

Introduction

Pour comprendre le système de numérotation de la NASA, nous devons nous replonger dans les années glorieuses et euphoriques des premières missions de la Navette Spatiale Américaine. Le 12 Avril 1981 la Navette Columbia effectua son premier vol dans le but de certifier l’Orbiteur comme machine opérationnelle. Les missions s’enchaînent et rien ne semble arrêter cette folle frénésie. Lancement après lancement, la Navette séduit par sa fiabilité et par son modernisme.

La NASA et l’USAF principaux «clients» de la Navette ne sont pas toujours d’accord. L’USAF veut avoir sa propre Navette (Atlantis) et sa propre base (Vandenberg) comme initialement prévue par le programme. Il faut donc imaginer un nouveau système de numérotage.

Pour ce faire, la NASA prendra en compte l’année fiscale, le numéro du site de lancement, et l’ordre chronologique prévu de la mission lors de sa conception. Ça peut paraître séduisant, mais en fait, cette terminologie deviendra un véritable casse-tête !

La mise en place

Enterprise sur le pad SLC-6
Avec la certification de la Navette acquise après STS-4, l’USAF termine les préparatifs de sa base en Californie du nord à Vandenberg (Elle utilisera l’orbiteur Enterprise pour ses essais d’assemblages sur le pad de tir SLC-6 « prononcés Slick Six », puisque la Navette «militaire» Atlantis est toujours en construction). La NASA introduit début 1984 le nouveau système de numérotation, soit après la mission STS-9 (qui aurait du s’appeler STS-41-A soit la première de l’année fiscale 1984 (30 septembre 83 au 1er octobre 84).

Ainsi, le 10ème vol de la Navette fut appelé STS-41-B au lieu de STS-10. Le chiffre 4 représente l’année fiscale (1984) et le chiffre 1, la base de lancement du Kennedy Space Center en Floride (2 étant celle de Vandenberg en Californie). La lettre B désigne le second lancement programmé durant l’année fiscale.
Enterprise sur le pad SLC-6

A noter que l’année fiscale de la NASA commence du 1er octobre au 31 septembre ce qui ne va pas simplifier les choses.

Dans un monde parfait, ce système était relativement simple, mais le problème est qu’il est difficile de faire décoller une Navette selon le calendrier fixé (mais on est toujours dans la phase « Nasa Euphorique » qui voit les choses en grand…)

Mais alors pourquoi la 21éme mission de la Navette spatiale qui décolla le 3 octobre 1985 fut appelée STS-51-J ? Car comme dit plus précédemment, l’année fiscale 85 de la Nasa se termine le 30 septembre ! Elle aurait du s’appeler STS-61A ! Ou alors pourquoi trouve t’on dans la liste des missions un STS-51-L (donc la 12ème mission de l’année) alors que dans cette même année on ne trouve que 9 missions ?

Bienvenue dans la folle histoire de numérotation de la NASA ! Pour comprendre ce véritable couac, il faut comprendre que les missions sont décidées très longtemps avant leur lancement et que ces mêmes lancements subissent eux mêmes des retards souvent très longs en raison de l’état de la flotte des Navettes voire même des annulations comme ce fut le cas avec la mission STS-51-E (combinée avec la mission STS-51-D). Certaines missions commerciales sont tout simplement annulées alors que les numérotations des missions suivantes sont déjà allouées… Que faire quand une mission est annulée ? Rechanger et renommer toutes les missions suivantes afin de ne pas laisser un « trou » ? Que faire quand une mission ne peut pas se réaliser car aucune Navette n’est disponible ou que la charge satellisable n’est pas prête ?

Prenons pour exemple l’année fiscale 84, sur les 10 vols programmés, seuls 5 purent se réaliser. En effet, les Navettes Columbia et Atlantis ne seront disponibles qu’en fin de l’année 85) et la Nasa n’avait alors que 2 Orbiteurs pour cette même année. Difficile de lancer 10 missions dans ces conditions. A noter que la Nasa dut à maintes reprises repousser le premier vol de la Navette Discovery en raison de problèmes techniques.
La folle histoire de numérotation

Plus les années passent plus des anomalies de ce genres figurent au tableau de chasse de l’agence spatiale américaine.

Le retour en arrière

Le 28 janvier 1986, la NASA va connaîtra un sérieux revers qui obligera à réévaluer ses ambitions. 73 secondes après le lancement de la Navette Challenger pour la mission STS-51-L, la Navette se désintègre tuant les sept membres d’équipage. La NASA va être pointée du doigt et son budget revu à la baisse. La Navette ne fait plus rêver les américains et ils la voient comme un engin de mort… Secouées par le drame, les autorités de la NASA devront faire des changements significatifs pour à nouveau utiliser les Navettes un jour.

Les modifications du pad de tir SLC-6 de Vandenberg étant toujours en cours (Le choix de ce site fut choisi pour pouvoir effectuer des missions avec orbites polaires), et les dépenses engagées dans ce réaménagement avaient été problématiques et très coûteuses.

La base de Vandenberg aurait du être mise en service pour la mission STS-62-A le 15 octobre 1986 mais l’explosion de Challenger a cloué les Navettes au sol pendant plus de deux ans.

Le 26 décembre 1986, le site de Vandenberg comme base de lancement des Navettes fut officiellement annulé. Sans deux bases de lancements, l’intérêt d’utiliser un tel système de nommage n’a plus raison d’être et la NASA revint au système de numérotage précédent. Ainsi le premier vol qui suivit celui du STS-51-L fut le STS-26.